Pouvoir, autorité ou fonction judiciaire ? Les juristes débattent de la nature du pouvoir exercé par les juges, particulièrement lors des changements de régime politique, lors de l’adoption d’une nouvelle Constitution organisant les rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Au-delà des divergences d’interprétation des constitutionnalistes, est posée une question importante quant à la nature d’un régime politique, à sa conception de la souveraineté, à son respect des principes libéraux et des droits de l’homme. La question du pouvoir judiciaire et de ses limites est donc tout naturellement d’actualité dès les premiers temps de la Révolution de 1789, dans un rapport préparatoire à l'élaboration d’une constitution (Document commenté) comme aux débuts de la Troisième République, quand un discours de magistrat lors d’une rentrée solennelle de cour d’appel (Document complémentaire) évoque la volonté des républicains de démocratiser une justice estimée trop conservatrice.
Les sources normatives sont ici essentielles. Mais le texte des Constitutions, comme les rapports et discussions parlementaires ou d’experts qui participent à leur rédaction, pour nécessaires qu’ils soient, ne suffisent pour traiter le sujet. Généralement, du moins quand la démocratie le permet - nombre de changements de régime se font brutalement avec des Constitutions qui sont plus octroyées que discutées -, les principaux intéressés (magistrats) et l’opinion, via les média, prennent part aux débats. On élargira donc alors la collecte de l’information aux articles (publiés dans la presse ordinaire et dans la presse spécialisée), ouvrages et discours des intervenants divers. Surtout, la question du pouvoir judiciaire, si l’on ne veut pas réduire son étude à l’exégèse d’articles d’une Constitution, doit être replacée dans le contexte de l’organisation des tribunaux, de leur fonctionnement, de la pratique des magistrats. C’est à ce niveau seulement que l’on pourra affiner l’analyse et mettre en rapport les textes et la réalité. Pour ne prendre qu’un exemple, les modalités de recrutement et de l’avancement des magistrats sont déterminantes pour juger du degré d’indépendance du pouvoir judiciaire : il suffit qu’elles soient placées, directement ou de manière oblique, sous le contrôle de l’exécutif pour que l’on puisse douter de l’existence d’un pouvoir judiciaire autonome.